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vendredi 11 mars 2011

Khoudia Sène, vendeuse de couscous et élève en 1ère


Khoudia est élève la journée et vendeuse de couscous le soir. Une situation qui ne semble guère entraver ses études.

Il est environ 18 h. Devant la boulangerie-pâtisserie « Brioche d’orée », sont stationnées de belles voitures. Garçons et jeunes filles bien sapés rodent les alentours en mettant en exergue leurs statuts socioculturels. C’est le lieu de convergence de beaucoup de faiseurs de malin aux allures de « fils ou filles à papa ». Juste en face de la boulangerie-pâtisserie, une jeune fille de taille moyenne tient un étal sur lequel est posé une calebasse bien remplit de couscous et des papiers de sac de ciment qui servent pour l’emballage du couscous. Au crépuscule de cette belle nuit d’hivers qui se profile à l’horizon, entre les vendeuses de cacahuètes et de légumes, Khoudia Sène se distingue par son jeune âge et sa tenue, de loin, plus à la mode que celle des autres vieilles dames autour d’elle. Sa particularité est qu’elle vend du couscous et fréquente, avec la plupart de ces filles de « riches » habituées de cet espace, la même école. C’est dans cet environnement très animé à cette période de la journée, qu’évolue Khoudia Sène, à la fois vendeuse de couscous et élève en classe de 1ère L’1 au Lycée Maurice de la Fosse. Cette adolescente de 16 ans allie pourtant études et travail.
En sérère bon teint, la mise un peu sexy et juvénile à l’image de l’accoutrement des jeunes filles de son âge, Khoudia est maintenant habituée aux regards et lectures que font ses congénères à son égard. « J’étais gênée du regard que portaient mes amis et camarades de classe sur moi. Mais maintenant je me suis accoutumée à cela ». Rien ne présageait dans son environnement proche des études poussées. D’une mère, ménagère, analphabète et d’un père employé dans une entreprise de construction, lui également illettré, Khoudia n’espérait guère atteindre ce niveau dans les études.
« Au début, c’était plutôt difficile de faire ses études et de vendre du couscous. Je croyais que je n’allais pas tenir le coup. C’est ma mère qui s’attelait à la préparation du couscous, la journée, à la descente je me charge de la vente. J’étais fatiguée mais je faisais l’effort de venir vendre le couscous pour ma mère aux environs de 18h ». Elle le fait presque quotidiennement, dit-elle fièrement « par amour pour ma mère et par devoir pour ma famille ». Avec son regard innocent, timide et discret à l’image de son maquillage, Khoudia, teint noir en bon sérère, a fini de conquérir son monde, sa clientèle. « Khoudia tiéré », familièrement appelée, est bien appréciée dans le coin.
Avec un visage angélique et un sourire qui cache mal sa timidité, Khoudia exécute avec tact la mise en sachet du couscous, d’un geste qui témoigne d’une adresse acquise il y a longtemps. Une fille que tout le voisinage ainsi que les amis vouent respect et admiration. « J’admire cette fille par sa détermination et la noblesse de la tâche qu’elle effectue pour le bonheur de sa maman, en particulier et de sa famille en général », témoigne Ndèye Fall, une dame à la quarantaine, habitant la maison qui jouxte celle de Khoudia à l’unité 19 des Parcelles-Assainies. Devant son étal, assise sur un banc, toute souriante, Khoudia avec son 1,60m, échange avec des amis de la cité Diamalaye qui y font de brefs passages pour discuter un peu avec elle de tout et de rien. Parmi elles, Oumy Dia, une de ses meilleures amies et en même temps une copine de classe, trouvée sur place, confesse « j’ai été presque la première à accueillir Khoudia à l’école quand toutes les filles la marginalisaient et fuyaient sa compagnie. Nous sommes devenus des amies, depuis, et, chaque soir, elle passe chez moi et moi aussi j’en fais de même, surtout pendant les vacances car j’habite non loin de son lieu de commerce. Je l’apprécie et la respecte car ce qu’elle fait, beaucoup de filles de notre âge ne pourraient pas le faire ou elles auront la pudeur de le faire. Elles refuseront d’être railler au lycée comme vendeuses de couscous ». Calomniée, écartée de leur groupe, traitée de vendeuse de « tiéré » dans son établissement, Khoudia a souffert en entendant ces mots. Cependant, actuellement elle n’éprouve plus de gêne à sa situation et vend du couscous même à ces détracteurs d’autrefois. « J’en ai souffert au début car j’étais plus jeune, j’avais à peine 12 ans et je voyais pas les filles de mon âge faire ce genre de boulots. Je me considérais comme inférieure à elles. Mais aujourd’hui je suis fière de moi car j’aide ma mère et en même temps j’ai de bons résultats en classe. L’argent gagné de ce commerce nous permet de joindre les deux bouts et j’ai même eu à subir une opération de l’œil gauche (une couche s’était formée sur le cristallin l’œil) grâce aux économies issues de cette activité ».
Contrairement à ses parents, elle est née et a grandi à Dakar, dans la Capitale sénégalaise (aux Parcelles-Assainies), donc se démarquer comme elle l’a fait, des habitudes et attitudes de ses congénères n’était pas évident.
Aujourd’hui, en classe de 1ère ,les études prennent un peu le pas sur la vente. Très souvent c’est son jeune frère qui la remplace pour qu’elle puisse davantage se consacrer à ses études car c’est pour bientôt le Bac. Depuis l’élémentaire, en passant par le collège et maintenant le lycée, Khoudia ne s’est jamais départie de la vente de couscous parallèlement à ses études. Cela lui a quand même valu de refaire le Brevet de fin d’études moyens(BFEM) qu’elle a obtenu au Collège d’enseignement moyen de Yoff. Pour apprendre ses cours, elle use d’astuces qui collent avec sa situation. « Je profite pratiquement des heures de pause, à l’école, pour apprendre mes leçons et faire mes exercices car le soir j’ai un autre boulot qui m’attend. Très souvent, je termine à 21h et ce sont des amis qui me raccompagnent chez moi, distant de plus de 500 mètres de mon lieu de vente », explique-t- elle. Pour Alioune Bâ, une ancienne connaissance de Khoudia « c’est une fille extraordinaire. Elle est responsable, réservée et les relations amoureuses ne sont pas trop ses affaires. Je la connais depuis enfant, elle n’a yeux que pour ses études et son travail et je l’estime pour cela ». Parfois, si elle a un devoir, elle amène son cahier au lieu de vente et profite de la moindre occasion pour y jeter un coup d’œil, une preuve de sa détermination pour les études. Très dévouée, elle ambitionne de suivre des études supérieures en commerce international afin de réaliser son rêve de devenir une célèbre et riche commerçante.

Djiby DIA

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