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dimanche 16 mai 2010

« Certains ont assez mal vécu la rigueur de DIA »



Témoin historique des périodes de l’indépendance du Sénégal, M. ROLAND COLIN, ancien Directeur de Cabinet de Mamadou DIA nous a accordé un entretien sur l’homme et l’œuvre de Mamadou DIA, une figure historique de l’histoire politique du Sénégal.

Vous qui avez côtoyé le Président Mamadou DIA avant et post- indépendance, qu’avez-vous retenu de lui durant cette période ? D’autant plus que le Sénégal célèbre le cinquantenaire de son indépendance.

Avec DIA, la période d’avant indépendance a été une période de transition, une période difficile. On avait quand même le grand espoir qu’elle déboucherait sur la liberté. En fait Mamadou DIA avait ceci de clairvoyant par rapport à beaucoup d’autres : il pensait que l’indépendance n’avait pas de sens si on ne détruisait pas l’économie de traite qui pesait très lourd sur le peuple Sénégalais et donc sa priorité était que cette économie soit recentrée et que la décision bascule du côté des paysans. Ce qui n’était pas prévu dans le processus de la loi cadre qui a donné l’autonomie.

Qu’en était-il une fois l’indépendance acquise ?

Quand il est devenu chef du gouvernement, sa préoccupation principale était de mettre en place un véritable plan de développement qui serait un plan libérateur. Il s’y est employé avec beaucoup de force, d’intelligence et de persévérance jusqu’aux évènements de 1962 qui malheureusement ont mis un coup d’arrêt sur pas mal de choses. Ce qui s’est traduit par une rupture que j’ai toujours déploré car je pense que si ces deux hommes (Senghor et DIA) étaient restés ensemble, le pays serait allé plus loin beaucoup plus vite.




Quels étaient les traits marquants de la personnalité de DIA ?

Il était un homme d’une intégrité exceptionnelle et d’une grande intelligence. Un homme vraiment qui avait le don de faire corps avec son peuple et qui ne transigeait absolument pas avec les principes qu’il considérait comme fondamentaux. Alors que très souvent dans le monde politique, les principes sont assez souples et un certain nombre de personnes que cette question concernait ont assez mal vécu la rigueur de DIA. En même temps il pensait que quand le peuple souffrait et devait porter le poids de beaucoup de dominations, il n’est pas décent que des classes plus favorisées puissent refuser de faire des sacrifices qui diminuent l’écart. Cela faisait partie de la dimension éthique de son combat.

Quelle était sa vision politique à l’époque ?

Il avait une très bonne connaissance des problèmes économiques et de développement et il maîtrisait la problématique technique que cela supposait de transformations. Et surtout, je crois que c’est le plus important, il me disait que la chance de développement reposait en grande partie sur l’éducation du peuple. L’acteur du développement c’est le peuple et s’il ne dispose pas d’un outil d’éducation lui permettant de s’approprier les moyens de sa propre autogestion comme disait DIA « le système serait vraiment hypothéqué ». C’est dans ce sens qu’il a créé au Sénégal ce que l’on appelle : l’animation rurale qui était véritablement un projet révolutionnaire et qui a permis la mise en place des coopératives paysannes autogérées. Choses qui n’allaient pas sans mettre en question certains privilèges. Tout ceci s’est accumulé du côté de ceux qui ne l’acceptaient pas, pour aboutir à la crise de 1962.

Quels étaient vos rapports pendant et après sa détention et comment était-il après son élargissement ?

J’étais celui qui était au peloton de tête de ceux qui se sont battus pour sa libération. Heureusement c’est arrivé après douze années très dures.
J’ai accueilli DIA au lendemain de sa libération. J’ai trouvé un homme qui avait mené une réflexion en profondeur durant ses douze années d’emprisonnement. Ce qui lui a permis d’arriver à l’idée que les systèmes d’Etat étaient trop dépendants d’intérêts particuliers et des contraintes internationales que pour véritablement épouser la cause des peuples sans aucune gêne ou limitation. DIA ne disait pas qu’il fallait abandonner les Etats mais il pensait que concurremment au système des Etats, il fallait lancer un véritable mouvement de développement à partir de la société civile. Et là, il était très anticipateur car maintenant avec la grandeur des forums sociaux cette idée commence à faire force dans le monde.

Quel a été son combat après cette douloureuse période ?

En 1975 quelques mois après sa sortie de prison, il a lancé « l’International africaine des forces pour le développement ». Il y avait aussi des hommes comme Joseph Ki-Zerbo, Cheikh Amidou Kane qui était lui un compagnon de premier ordre de DIA. L’idée de DIA était de se faire le pèlerin du développement de l’Afrique à travers les pays africains pour engager tous les mouvements de développement à partir des communautés de base, à se fédérer, à unir leurs idées de façon à constituer une véritable force d’opposition, de contre pouvoir. Pour que du côté du système d’Etat qu’on soit amené à tenir compte de la volonté populaire. En fait c’était une manière d’introduire en profondeur la question de la démocratie, de lier la question de démocratie au développement. DIA est, on peut dire un des pionniers de la démocratie participative, une idée qui réapparait d’une manière plus forte dans l’actualité internationale. Je crois qu’il est temps de revenir à cette règle fondatrice car il y a beaucoup de leçons à en tirer aussi bien des leçons d’idée que de méthode. Je crois que c’est aux jeunes cadres Sénégalais de se réapproprier cela. En tant qu’acteur, témoin historique qui a eu la chance d’être dans cette position, j’ai le devoir de restituer au peuple l’histoire telle qu’elle s’est déroulée.

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